La reprise : une autre
manière d'entreprendre
Une fois le choix de l'entrepreneur arrêté et la cible identifiée, les négociations avec le cédant peuvent commencer. Il s'agit d'aborder celles-ci en ayant en tête le caractère éminemment psychologique de la cession d'entreprise.
L'expérience permet d'affirmer que, tant pour le repreneur que pour le cédant, il faut être préparé aux négociations qui sont souvent difficiles ; le rôle des conseils est alors de ne pas faire perdre de vue aux acteurs le but de l'opération : pour l'un de vendre et pour l'autre d'acheter.
Selon qu'il s'agit d'acquérir le fonds de commerce ou les titres de la société l'exploitant, le déroulement de l'opération d'acquisition et les actes juridiques à préparer ne seront pas exactement les mêmes. En effet, dans le premier cas, la négociation et les actes vont porter principalement sur les éléments composant le fonds, alors que dans le second cas, devront être également traités les risques résultant de la reprise du passif de l'entreprise.
La vente d'un fonds de commerce répond à un formalisme particulier imposé par le Code de commerce. L'acte de cession doit identifier les éléments composant le fonds de commerce : les éléments incorporels (clientèle, enseigne, nom commercial, droit au bail, contrats, brevets, logiciels, nom de domaine, marques, autorisations administratives (telles que licences, etc.) et les éléments corporels (matériel, mobilier, outillage, marchandises, stocks, etc.).
Certaines informations doivent en outre impérativement être mentionnées (article L. 141-1 du Code de commerce) :
Dans tous les cas, la première phase est bien entendue celle des discussions informelles, au cours de laquelle généralement les chiffres et éléments clés sont donnés afin que le repreneur puisse avoir une idée de la situation financière de la cible. Il est souvent signé à ce stade un engagement de confidentialité. Dans le cas d'une acquisition de société, il peut arriver que le repreneur ne connaisse pas encore l'identité de la cible, qui ne lui sera révélée qu'une fois son intérêt confirmé.
Puis le repreneur rédige une lettre d'intention (communément appelée par l'acronyme anglais LOI pour Letter of intent). Dans cette lettre sont repris un certain nombre d'éléments sur lesquels le repreneur entend se baser, et les conditions dans lesquelles il serait amené à proposer une offre de cession.
En effet, à ce stade, la LOI n'est pas une offre de cession. Comme son nom l'indique, elle est la marque de l'intérêt du repreneur pour l'opération. Il est d'ailleurs essentiel que cette précision soit clairement établie dans le courrier. Après, dans le cadre de la rédaction, chaque entrepreneur est libre de plus ou moins détailler ce courrier. Mais il est certain, par expérience, qu'une lettre peu claire ou très floue dans ses termes et conditions sera de nature à remettre à plus tard des discussions sur les conditions concrètes de l'acquisition, qui risquent de tendre les parties à un stade déjà avancé. Enfin, il est impératif de préciser de façon claire des conditions suspensives pour éviter au repreneur de se mettre en danger.
À minima, la LOI doit aborder les points suivants :
Il est difficile de faire la liste de toutes les conditions suspensives de façon générale, car il est vrai qu'elles sont particulières à chaque opération. Mais il ne faut pas oublier la situation des gages, hypothèques, nantissements, qu'il faut également prendre en compte en demandant la levée avant l'acquisition. L'accord du bailleur peut aussi être demandé dans l'hypothèse de la reprise de locaux.
Il peut être également intéressant, dans certaines opérations, de préciser qu'aucun contrat liant l'entreprise ne stipule de clause d'intuitu personae qui empêcherait sa cession ou qui imposerait l'accord du cocontractant.
Si les vendeurs sont liés par un pacte d'actionnaires qui prévoit des clauses particulières de vente, le repreneur devra prêter une attention particulière au respect du formalisme imposé par le pacte. D'une manière générale, tout ce qui peut s'opposer à la cession doit être envisagé.
Pour une acquisition de titres de société se pose ensuite la question de la garantie d'actif passif (GAP). Cette clause est systématiquement source de tensions, les intérêts des parties étant radicalement opposés en cette matière. En effet, le repreneur va avoir intérêt à ce qu'elle soit la plus extensive possible. À l'inverse, le vendeur va chercher à en réduire son champ d'application. Il faut comprendre le mécanisme : la GAP est l'obligation pour le vendeur d'indemniser l'acquéreur de tout dommage qu'il pourrait avoir subi du fait d'une déclaration inexacte sur la situation de l'entreprise ou de l'apparition d'un passif ou de la diminution/absence d'un actif. En effet, le repreneur va construire son prix sur la base de comptes sociaux, ils apparaîtront dans l'acte définitif de vente comme « les comptes de référence ». S'il s'avère que ces comptes sont inexacts (en plus ou en moins), le vendeur est tenu d'indemniser le repreneur. Une fois le principe de l'existence d'une GAP posé, la question est de savoir dans quelle mesure l'on rentre dans le détail de son mécanisme au stade de la lettre d'intention.
Il est impératif de poser au moins les caractéristiques essentielles, à savoir :
Enfin, la LOI devra avoir une date de validité et prévoir le calendrier des opérations.
Si les conditions de la LOI sont acceptées, les opérations d'audit de la société commenceront immédiatement. Le repreneur devra accorder une attention particulière à cette phase et s'entourer des professionnels adéquats. Une fois le rapport d'audit remis, le repreneur confirmera sa volonté d'acheter et bien entendu, en fonction des résultats, une nouvelle négociation sur les conditions d'acquisition pourra intervenir.
Lorsque les conditions sont définitivement arrêtées entre les parties, la rédaction de la documentation juridique pourra commencer. Les actes refléteront les négociations qui sont intervenues mais seront également l'occasion pour les parties d'approfondir leurs discussions dans la mesure où la LOI n'a pas pour objet d'aborder tous les aspects de la reprise d'entreprise.
Deux types d'opération peuvent être envisagés : avec signature d'une promesse sous conditions suspensives ou sans promesse, c'est-à-dire directement avec un acte d'acquisition.
Dans la première hypothèse, les parties signeront une promesse de cession sous conditions suspensives, c'est-à-dire que l'acte reprendra toutes les conditions qui devront être levées pour procéder à l'acquisition définitive. Une fois les conditions levées, le vendeur et l'acquéreur se retrouveront pour signer un second document qui formalisera la levée des conditions suspensives et constatera l'acquisition. Ces phases sont appelées chez les Anglo-Saxons le signing et le closing.
Dans la seconde hypothèse, les parties auront réussi à lever les conditions suspensives avant, et par conséquent n'auront pas la nécessité de passer par une promesse et concluront directement l'acte de cession. Le choix entre les deux relève plutôt d'une question de calendrier. Les parties devront respecter, dans la mesure du possible, le calendrier fixé initialement, qui doit être ambitieux mais réaliste. Afin de pouvoir réaliser l'opération dans les meilleures conditions, les conditions suspensives devront avoir été intégralement levées et la cession anticipée. Pour exemple, le repreneur devra s'assurer que :
Une fois que l'ensemble des documents a été centralisé et que les parties se sont mises d'accord sur la documentation juridique d'acquisition, la signature des actes peut intervenir dans les meilleures conditions.